Le Soir : Dans le grenier de Yoko

COUVREUR,DANIEL

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Vendredi 5 octobre 2012

bande dessinée La collection vintage inédite des premiers albums de Yoko Tsuno

entretien

Tout môme, Roger Leloup a déjà l’œil méticuleux. A l’âge des culottes de golf, il embrasse d’un coup de crayon L’histoire de l’aviation et L’histoire de l’automobile pour la collection des chromos Voir et Savoir du journal Tintin. En 1953, il frappe à la porte des Studios Hergé, où le maître de la ligne claire lui confie le dessin des mitraillettes, des gares ou du fauteuil roulant du capitaine Haddock. Il invente le jet Carreidas de Vol 714 pour Sidney.

En 1968, l’artiste quitte les Studios Hergé pour créer sa propre série. S’il est très à l’aise dans les décors, il n’a jamais animé de personnages. Qu’importe, il s’enchaîne à sa table à dessin et trouve son style. Yoko Tsuno devient bientôt l’héroïne préférée des lecteurs du journal Spirou. L’aventurière japonaise a pour modèle Yoko Tani, une actrice française d’origine japonaise. Yoko Tani a eu son heure de gloire dans les bras d’Anthony Quinn, à l’affiche des Dents du diable, mais Roger Leloup va lui donner son meilleur rôle, sous le pseudonyme de Yoko Tsuno…

Vous avez débuté aux Studios Hergé. Votre style a été marqué par la ligne claire de Tintin ?

Je n’ai rien pris à Hergé. Aux studios, j’étais chargé des décors et des engins. Ma mission était d’être le plus précis possible. Pour ce qui concerne le style, j’avais le mien. Il ne s’exprimait pas dans les cases de Tintin.

Vous ne dessiniez pas de personnages. Cela ne vous a pas posé de problème au moment de créer les vôtres ?

Quand j’ai créé Yoko, j’avais une immense appréhension. Je devais tout faire tout seul et j’avoue que j’en ai parfois pleuré ! Ma main n’arrivait pas à tracer ce que je voyais dans ma tête. Dans le premier album, les décors sont parfaits car j’avais du métier mais les personnages ne collent pas toujours.

En quittant Hergé, vous vous retrouvez chez « Spirou », le concurrent du journal « Tintin ». Vous avez été bien accueilli ?

J’avais déjà des contacts avec certains auteurs. Dupuis m’offrait l’occasion d’une vraie remise en question, de prouver que je pouvais réussir quelque chose sans avoir d’Hergé derrière moi.

On est au lendemain de Mai 68. Vous créez la première série tous publics dont l’héroïne est une femme. Mais vous ne faites pas de Yoko une fille sexy…

Je voulais rester dans la bande dessinée pour enfants avec Yoko Tsuno et m’adresser d’abord aux filles, pour qui le caractère sexy d’une héroïne n’avait aucune importance. Au départ, Yoko ne devait être qu’un personnage secondaire. Elle est devenue la petite ou la grande sœur que j’aurais voulu avoir à côté de moi. Je l’ai un peu idéalisée mais sans en faire une femme fatale.

Les Japonais avaient mauvaise presse dans la BD. Buck Danny les traitait de « faces de citron ». Yoko a changé les choses ?

A l’époque, les Japonais accusaient les Européens de protectionnisme et de racisme. Ils ne comprenaient pas pourquoi on les dessinait en jaune. Quand j’ai créé Yoko, je me suis souvenu d’une actrice française d’origine japonaise dont j’avais été amoureux étant jeune, Yoko Tani. J’en ai fait une électronicienne car c’était le début du raz de marée de l’électronique et les Japonais entraient dans le camp des bons.

Les sept premiers albums ont été publiés sous reliure souple. A l’époque, les albums cartonnés étaient réservés aux héros établis. Rétrospectivement, cela fait sourire ?

J’étais déçu que Dupuis ne mise pas à fond sur Yoko. En réalité, ça a marché tout de suite mais ils ont attendu le 8e tome avant de passer au cartonné. C’était d’autant plus désolant qu’ils utilisaient une mauvaise colle et que les pages des albums se détachaient rapidement. C’est comme ça que ce sont devenus des objets collector. J’en ai retrouvé une pile sous un baffle de ma chaîne stéréo, en même temps qu’un exemplaire de Tintin et les Picaros dédicacé à Yoko par Hergé. Il m’avait dit avec une pointe de regret qu’on aurait pu faire Yoko Tsuno aux Studios Hergé, ce qui m’avait touché.

Quel regard jetez-vous sur ces premiers albums ?

J’avais un peu peur de revoir ces balbutiements. Dans le premier tome, la coiffure et le physique de Yoko n’étaient pas encore aboutis. Mais cette collection est une merveilleuse illustration de l’évolution de Yoko Tsuno. Il y a un « effet grenier » délicieux. C’est important de la montrer dans sa simplicité originelle. J’ai aujourd’hui 78 ans et je me sens comme l’élève qui retourne à l’école.

Collection vintage

Huit albums introuvables

Les sept premiers albums de Yoko Tsuno, publiés entre 1972 et 1977 aux éditions Dupuis, sont parus sous une couverture souple. Aujourd’hui, les fans de la série se souviennent de ces titres mythiques… dont les pages se détachaient à cause de la mauvaise colle utilisée pour la reliure ! Cette collection vintage créée spécialement pour le journal Le Soir permet de les redécouvrir quarante ans plus tard avec une émotion intacte. Un huitième volume totalement inédit, révèle les secrets de fabrication de la série retrouvés dans le grenier de l’auteur.

1. Vendredi 5 octobre

Le Trio de l’étrange

2. Vendredi 12 octobre

L’Orgue du diable

3. Vendredi 19 octobre

La Forge de Vulcain

4. Vendredi 26 octobre

Aventures électroniques

5. Vendredi 2 novembreMessage pour l’éternité

6. Vendredi 9 novembre

Les Trois soleils de Vinéa

7. Vendredi 16 novembreLa Frontière de la vie

8. Vendredi 23 novembreAlbum bonus inédit

Chaque album est vendu 6,9 euros hors prix du journal.